Catherine J. Kudlick. Cholera in Post-Revolutionary Paris: A Cultural History. Berkeley: University of California Press, 1996. Bibliographic references and index. $40.00 (cloth), ISBN 978-0-520-20273-3.
Reviewed by Olivier Faure
Published on H-Urban (May, 1998)
Du cholera parisien deja etudie par Louis Chevalier, Patrice Bourdelais et Claude Delaporte, on pouvait croire que tout avait deja ete dit. Catherine Kudlick prouve que ce n'etait pas le cas. En effet, son livre renverse doublement la perspective. Au lieu de se focaliser, comme ses devanciers, sur la premiere epidemie, celle de 1832, elle se polarise sur la seconde, celle de 1849. De plus, au lieu de voir dans le cholera un revelateur d'une situation sociale et politique, elle y voit un episode essentiel au cours duquel et grace auquel la bourgeoisie cree et affirme son identite et sa conscience de classe.
En 1832, le cholera menace dans son existence une bourgeoisie deja fragilisee politiquement par la poussee revolutionnaire. Le cholera est assimile a la Revolution et au vice. Son surgissement stimule aussi les croyances dans le declin et la decadence de la societe. Devant la menace conjuguee de la Revolution et du cholera, les pouvoirs politiques et religieux, pourtant en mauvais terme, se reconcilient dans le recours a la charite, a la priere, a la quarantaine (qu'elle soit medicale ou religieuse) et dans la denonciation des complots. A cet egard les quelques victimes de la rumeur (au mieux cinq a six victimes dans tout le pays) prennent dans la presse bourgeoise plus de place que les 100 000 victimes de la maladie. Un bon revelateur de la panique et de l'irrationalite des elites de 1832.
Neanmoins, le cholera, grace aux descriptions des medecins et des journalistes, aide la bourgeoisie a se distinguer du peuple et a prendre conscience d'elle meme. La coincidence entre l'attaque du cholera et la reforme du ramassage des ordures parait a l'auteur un bon revelateur de la volonte de la bourgeoisie d'etablir des frontieres etanches entre le peuple et elle. Les chiffoniers sont les principales victimes de la reforme. Franchissant les frontieres des quartiers et des classes, transgressant le partage des taches entre hommes, femmes et enfants, les chiffonniers sont des defis a une societe recemment convertie a la classification. En accusant les miasmes et la salete d'etre a l'origine du cholera, le discours medical et administratif donne a la bourgeoisie la certitude que son mode de vie la protege de la maladie. Selon C. Kudlick, si les conditions de vie des pauvres creent le cholera, celles des riches l'empechent. Quant aux conseils donnes au peuple contre le cholera, ils convergent en une exaltation des valeurs de la bourgeoisie: temperance, sobriete, responsabilite individuelle etc. L'usage des statistiques, qui temoigne de la rationalite bourgeoise, est lui aussi stimule par le cholera. Dix sept ans plus tard, l'epidemie de 1849 ne suscite plus guere de panique et beaucoup moins de commentaires qu'en 1832. Malgre la nouvelle coincidence entre poussee revolutionnaire et poussee cholerique, le discours est beaucoup moins prolixe et plus technique. Les instructions populaires, tres administratives parlent de "precautions hygieniques" plutot que de "comportements a observer" et leur ton se fait moins medical et plus purement administratif. De meme, le cholera n'est plus considere comme un revelateur et un accelerateur de la revolution mais comme un fleau parallele (mais independant) au socialisme, et qui sera ecarte en meme temps que lui. Du reste, le peuple n'accuse plus les autorites de complots et d'empoisonnement et celles ci font confiance aux capacites de raisonnement du peuple.
On voit par ce bref resume la tres grande originalite et l'indeniable hardiesse des analyses de C. Kudlick dont la lecture est tout a fait stimulante et revigorante. Neanmoins, le premier sentiment d'enthousiasme passe, on devient plus sceptique sur cette belle construction dont la complexite et la finesse font aussi la fragilite. En particulier, l'idee d'une bourgeoisie monolithique parait bien abusive. Les moyens par lesquels le cholera aurait forge cette unite restent eux aussi en partie mysterieux. Meme si l'on est pas entierement convaincu par la demonstration, le livre de C. Kudlick stimule, fait reflechir, amorce toute une serie de pistes et invite avec force a lier l'histoire des maladies a l'histoire politique, sociale et mentale (et réciproquement)
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Citation:
Olivier Faure. Review of Kudlick, Catherine J., Cholera in Post-Revolutionary Paris: A Cultural History.
H-Urban, H-Net Reviews.
May, 1998.
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